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18 mars 2007 7 18 /03 /mars /2007 05:40
"[Nos parents] nous mettent au monde avec leur péché et ils ne s'inquiètent guère de notre rédemption. Ma mère n'a pas assez fait pour que je l'aime. [...] Son visage était meurtri par des larmes de plomb, et je perds pied dans des abîmes de dégoût quand je songe que sans son malheur elle aurait été triviale. [...] Ma mère, selon une tradition de prudence, la seule façon décente de vivre de la plupart des âmes, tendait une belle housse blanche sur ses fauteuils et sur son âme. Cela vaut mieux que de prétendre à ne pas les ménager, alors qu'on n'a pas les moyens de les renouveler.

Mais elle ne fut d'abord qu'une jeune femme, une jolie maman. J'aimais sa jeunesse, son sexe, son parfum, les grâces de sa tendresse. J'aimais sa chair comme elle aimait la mienne. Confondus dans la même substance nous ne nous étions pas encore nettement séparés. Les enfants ignorent l'affection, l'amitié qui sont commerce de l'esprit. Ils sont tout sensualité. [...] J'aimais les baisers de ma mère plutôt que sa bonté. J'aimais être dans sa chambre, près d'elle, respirer ses armoires qui s'entrouvraient. Je ne frappais pas longtemps, à la seconde d'entrer chez elle, pour la surprendre dans l'abandon de la physionomie et de la posture.

Je voyais rarement mon père, je le craignais avec de lâches tendresses d'esclave qui secrètement chérit son maître."

Pierre Drieu la Rochelle (1893 - 1945), Etat civil

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